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Michel Garroté
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Mardi 8 juin 2010 – 26 Sivan 5770
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Je me suis récemment exprimé (voir les deux liens au bas de cette page), d’une part, sur le texte préparatoire de la réunion des évêques d’Orient en octobre prochain au Vatican ; et d’autre part, sur le tout récent assassinat de Mgr Luigi Padovese, Chef de l’Eglise catholique en Turquie. Il se trouve que dans l’intervalle, j’ai lu un article (1) de Gian Guido Vecchi paru dans le Corriere della Sera. Le moins que je puisse dire, c’est qu’après lecture de cet article (reproduit ci-dessous) mes appréhensions sur la diplomatie vaticane au Proche et au Moyen Orient n’en sont que plus grandes.
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Je peux certes comprendre, que Benoît XVI, en sa qualité particulière de Pape, de Souverain pontife, de Chef de l’Eglise et de Chef de l’Etat du Vatican, se profile avant tout comme un artisan de paix. Je peux aussi comprendre, que suite à son discours de Ratisbonne, discours qui a déclenché l’hystérie et qui a coûté la vie à des Chrétiens d’Orient, je peux comprendre, écrivais-je, que suite à son discours de Ratisbonne, Benoît XVI ait été ébranlé ; et que de ce fait, il choisisse désormais un langage, on va dire, « prudent ».
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Ce que je comprends moins, en revanche, c’est cette propension très forte, dans l’entourage de Benoît XVI, à toujours vouloir minimiser les actes criminels perpétrés par des mahométans, tel l’assassinat récent du Chef de l’Eglise catholique en Turquie. Et cette propension tout aussi forte, dans l’entourage de Benoît XVI, à vouloir exagérer et parfois même déformer les actions entreprises par l’Etat d’Israël (tel ce cardinal qui, critiquant Israël, compara la bande de Gaza à un camp de concentration ; au lieu de dire la vérité, à savoir que si Gaza est un camp, c’est à cause des dirigeants du Hamas ; dirigeants qui eux, à Gaza, résident dans de luxueuses villas ; luxueuses villas que l’AFP et Reuters se gardent bien de prendre en photo).
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Car si Benoît XVI lui-même choisit la prudence, alors pourquoi le clergé qui l’entoure s’empresse-t-il toujours de « compléter » ou de « commenter » les commentaires du pape ? Si la prudence de Benoît XVI, c’est de parler peu, alors la prudence de son entourage devrait être de ne pas systématiquement parler de ce que Benoît XVI a déjà dit lui-même. L’article de Gian Guido Vecchi reproduit ci-dessous, article qui relate des situations que Gian Guido Vecchi a récemment vécues, donne un aperçu de cette tendance à en rajouter, cette tendance à se sentir appelé à « dire aux journalistes ce que le pape voulait dire aux journalistes lorsque le pape s’est adressé aux journalistes ». Il y a, dans l’intimité de ces bals & bavardages journalistico-ecclésiastiques, quelque chose d’à la fois précieux et ridicule. Sans vouloir plagier Molière. Et sans vouloir offenser personne.
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Ainsi donc, Gian Guido Vecchi, le 5 juin, dans le Corriere della Sera, avec un article intitulé « La stratégie de douceur de Ratzinger pour ne pas mettre le feu aux poudres en Orient » (1), écrit (extraits adaptés) : « Le mot clé, comme il se doit dans cette terre de civilisation trimillénaire, est grec : hypomoné ou ‘patience’, un terme cher à Saint-Paul et à Benoît XVI qui signifie littéralement ‘rester en dessous’ comme aplati, mais résistant. C'est l'expression la plus importante que le pontife a dite aux journalistes pour tracer les contours de sa vision profonde : ‘Nous devons imiter la patience de Dieu, la solution est la patience du bien’. À première vue, on pourrait noter une contradiction entre la position du Vatican et les propres mots du Pape : sur le crime, ‘nous avons peu d'informations’, cependant ‘il est certain’ qu'il ‘ne s'agit pas d'un crime politique ou religieux’, ‘la Turquie et les Turcs’ n'ont rien à y voir. Durant le vol, dans la suite du pape, il est inévitable qu'on ait échangé des évaluations et des doutes au sujet de ce qui s'est passé ; en effet, l'affaire reste obscure ».
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« Cependant la contradiction est apparente ; devant tant d'étrangetés le pape et le Saint-Siège ‘n'avaient pas le choix’. Regardant depuis Chypre vers le Moyen-Orient, le premier souci de Benoît XVI est de ‘soutenir et protéger les communautés chrétiennes’. Et éviter d'exacerber les esprits, dans les zones où le fanatisme islamique croît. ‘Nous parlons d'un baril de poudre, on dit un mot de trop, et on risque de sauter en l'air’, explique-t-on dans l'entourage du pape. Du reste, à propos du synode sur le Moyen-Orient, le Pape parle des ‘frères musulmans’, il ne mentionne pas les Juifs. La pensée va à Ratisbonne, à la condamnation de l'utilisation de la violence par la religion, mais aussi à cette citation ‘déformée’ (Note de Michel Garroté : citation dans le discours de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne) qui a déclenché le chaos, ‘et il y a eu des morts’. Dans une situation encore incertaine, où il y n'y a pas une ‘motivation évidente anti-chrétienne comme pour Santoro’, ce n'était pas le moment ‘d'ajouter d'autres motifs de tension’ : ‘pour le bien de la petite communauté chrétienne’ ».
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« Justement, Radio Vatican informait d'une rencontre entre les évêques orthodoxes et catholiques, au Kurdistan, pour soutenir les chrétiens qui fuient les tueries systématiques en l'Irak. Il s'agit d'endiguer la violence et le fanatisme. Il y faut ce que Benoît XVI a appelé le ‘trialogue’ entre juifs, chrétiens et musulmans (Note de Michel Garroté : puisque le pape parle de trialogue, ce qui inclut les Juifs, alors pourquoi éviter, à propos de l’Orient, de mentionner les Juifs ?). Ainsi, lorsqu'on l'interroge sur la polémique à propos d'Israël et de la flottille, le pape insiste : sa mission est religieuse et non politique. ‘La solution n'est pas la violence, mais la patience du bien’. Cela ne signifie pas céder. Le pape a parlé ‘avec une attitude qui n'est pas soumise, mais au contraire courageuse. Et qu'il ne faut pas abandonner, même et surtout face à des maux répétés’, lit-on dans un éditorial de l'Osservatore Romano, signé par le directeur Giovanni Maria Vian (Note de Michel Garroté : l'Osservatore Romano, contrairement à une idée reçue, n’est pas l’organe officiel du Saint-Siège ; autrement dit, son directeur, Giovanni Maria Vian, n’est pas le porte-parole du pape…). La patience, donc. Comme ces jours-ci, avant la violence insensée du conflit qui persiste au Proche-Orient et l'ombre de l'assassinat d'un homme doux comme Mgr Luigi Padovese » (Fin des extraits adaptés de l’article de Gian Guido Vecchi paru le 5 juin dans le Corriere della Sera).
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Voir également mes deux articles récents :
Que planifie le clergé chrétien d'Orient ?
Meurtre d'un évêque en Turquie - Communiqué AJCI
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(1) http://benoit-et-moi.fr/2010-II/0455009d6b0fa2a05/0455009d8e0fbd62d.html
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Michel Garroté
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Mardi 8 juin 2010 – 26 Sivan 5770
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Je me suis récemment exprimé (voir les deux liens au bas de cette page), d’une part, sur le texte préparatoire de la réunion des évêques d’Orient en octobre prochain au Vatican ; et d’autre part, sur le tout récent assassinat de Mgr Luigi Padovese, Chef de l’Eglise catholique en Turquie. Il se trouve que dans l’intervalle, j’ai lu un article (1) de Gian Guido Vecchi paru dans le Corriere della Sera. Le moins que je puisse dire, c’est qu’après lecture de cet article (reproduit ci-dessous) mes appréhensions sur la diplomatie vaticane au Proche et au Moyen Orient n’en sont que plus grandes.
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Je peux certes comprendre, que Benoît XVI, en sa qualité particulière de Pape, de Souverain pontife, de Chef de l’Eglise et de Chef de l’Etat du Vatican, se profile avant tout comme un artisan de paix. Je peux aussi comprendre, que suite à son discours de Ratisbonne, discours qui a déclenché l’hystérie et qui a coûté la vie à des Chrétiens d’Orient, je peux comprendre, écrivais-je, que suite à son discours de Ratisbonne, Benoît XVI ait été ébranlé ; et que de ce fait, il choisisse désormais un langage, on va dire, « prudent ».
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Ce que je comprends moins, en revanche, c’est cette propension très forte, dans l’entourage de Benoît XVI, à toujours vouloir minimiser les actes criminels perpétrés par des mahométans, tel l’assassinat récent du Chef de l’Eglise catholique en Turquie. Et cette propension tout aussi forte, dans l’entourage de Benoît XVI, à vouloir exagérer et parfois même déformer les actions entreprises par l’Etat d’Israël (tel ce cardinal qui, critiquant Israël, compara la bande de Gaza à un camp de concentration ; au lieu de dire la vérité, à savoir que si Gaza est un camp, c’est à cause des dirigeants du Hamas ; dirigeants qui eux, à Gaza, résident dans de luxueuses villas ; luxueuses villas que l’AFP et Reuters se gardent bien de prendre en photo).
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Car si Benoît XVI lui-même choisit la prudence, alors pourquoi le clergé qui l’entoure s’empresse-t-il toujours de « compléter » ou de « commenter » les commentaires du pape ? Si la prudence de Benoît XVI, c’est de parler peu, alors la prudence de son entourage devrait être de ne pas systématiquement parler de ce que Benoît XVI a déjà dit lui-même. L’article de Gian Guido Vecchi reproduit ci-dessous, article qui relate des situations que Gian Guido Vecchi a récemment vécues, donne un aperçu de cette tendance à en rajouter, cette tendance à se sentir appelé à « dire aux journalistes ce que le pape voulait dire aux journalistes lorsque le pape s’est adressé aux journalistes ». Il y a, dans l’intimité de ces bals & bavardages journalistico-ecclésiastiques, quelque chose d’à la fois précieux et ridicule. Sans vouloir plagier Molière. Et sans vouloir offenser personne.
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Ainsi donc, Gian Guido Vecchi, le 5 juin, dans le Corriere della Sera, avec un article intitulé « La stratégie de douceur de Ratzinger pour ne pas mettre le feu aux poudres en Orient » (1), écrit (extraits adaptés) : « Le mot clé, comme il se doit dans cette terre de civilisation trimillénaire, est grec : hypomoné ou ‘patience’, un terme cher à Saint-Paul et à Benoît XVI qui signifie littéralement ‘rester en dessous’ comme aplati, mais résistant. C'est l'expression la plus importante que le pontife a dite aux journalistes pour tracer les contours de sa vision profonde : ‘Nous devons imiter la patience de Dieu, la solution est la patience du bien’. À première vue, on pourrait noter une contradiction entre la position du Vatican et les propres mots du Pape : sur le crime, ‘nous avons peu d'informations’, cependant ‘il est certain’ qu'il ‘ne s'agit pas d'un crime politique ou religieux’, ‘la Turquie et les Turcs’ n'ont rien à y voir. Durant le vol, dans la suite du pape, il est inévitable qu'on ait échangé des évaluations et des doutes au sujet de ce qui s'est passé ; en effet, l'affaire reste obscure ».
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« Cependant la contradiction est apparente ; devant tant d'étrangetés le pape et le Saint-Siège ‘n'avaient pas le choix’. Regardant depuis Chypre vers le Moyen-Orient, le premier souci de Benoît XVI est de ‘soutenir et protéger les communautés chrétiennes’. Et éviter d'exacerber les esprits, dans les zones où le fanatisme islamique croît. ‘Nous parlons d'un baril de poudre, on dit un mot de trop, et on risque de sauter en l'air’, explique-t-on dans l'entourage du pape. Du reste, à propos du synode sur le Moyen-Orient, le Pape parle des ‘frères musulmans’, il ne mentionne pas les Juifs. La pensée va à Ratisbonne, à la condamnation de l'utilisation de la violence par la religion, mais aussi à cette citation ‘déformée’ (Note de Michel Garroté : citation dans le discours de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne) qui a déclenché le chaos, ‘et il y a eu des morts’. Dans une situation encore incertaine, où il y n'y a pas une ‘motivation évidente anti-chrétienne comme pour Santoro’, ce n'était pas le moment ‘d'ajouter d'autres motifs de tension’ : ‘pour le bien de la petite communauté chrétienne’ ».
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« Justement, Radio Vatican informait d'une rencontre entre les évêques orthodoxes et catholiques, au Kurdistan, pour soutenir les chrétiens qui fuient les tueries systématiques en l'Irak. Il s'agit d'endiguer la violence et le fanatisme. Il y faut ce que Benoît XVI a appelé le ‘trialogue’ entre juifs, chrétiens et musulmans (Note de Michel Garroté : puisque le pape parle de trialogue, ce qui inclut les Juifs, alors pourquoi éviter, à propos de l’Orient, de mentionner les Juifs ?). Ainsi, lorsqu'on l'interroge sur la polémique à propos d'Israël et de la flottille, le pape insiste : sa mission est religieuse et non politique. ‘La solution n'est pas la violence, mais la patience du bien’. Cela ne signifie pas céder. Le pape a parlé ‘avec une attitude qui n'est pas soumise, mais au contraire courageuse. Et qu'il ne faut pas abandonner, même et surtout face à des maux répétés’, lit-on dans un éditorial de l'Osservatore Romano, signé par le directeur Giovanni Maria Vian (Note de Michel Garroté : l'Osservatore Romano, contrairement à une idée reçue, n’est pas l’organe officiel du Saint-Siège ; autrement dit, son directeur, Giovanni Maria Vian, n’est pas le porte-parole du pape…). La patience, donc. Comme ces jours-ci, avant la violence insensée du conflit qui persiste au Proche-Orient et l'ombre de l'assassinat d'un homme doux comme Mgr Luigi Padovese » (Fin des extraits adaptés de l’article de Gian Guido Vecchi paru le 5 juin dans le Corriere della Sera).
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Voir également mes deux articles récents :
Que planifie le clergé chrétien d'Orient ?
Meurtre d'un évêque en Turquie - Communiqué AJCI
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(1) http://benoit-et-moi.fr/2010-II/0455009d6b0fa2a05/0455009d8e0fbd62d.html
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