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Michel Garroté –
Hier soir, mardi 8 mai 2012, sur la chaîne télévisée allemande 3SAT (http://www.3sat.de), j’ai regardé une série de documentaires et de films
historiques relatant le parcours d’Adolf Eichmann (cf. les liens en bas de page ;
l’un des documentaires a été réalisé par Raymond Lay en 2010 et je l’ai
découvert hier soir ; autrement dit en 2012 pour la première fois). Je m’intéresse à l’histoire du
20e siècle depuis longtemps, et, néanmoins, chaque documentaire, m’apporte son
lot de faits inédits.
Hier soir sur 3SAT, j’ai appris
bien des choses que je ne connaissais qu’en partie. Et des choses dont j’ignorais
certains aspects importants, ou même, déterminants (la série de documentaires et de films
historiques datant de 2010 et relatant le parcours d’Adolf Eichmann ayant été retransmise par 3Sat hier
soir, je n’exclus pas qu’elle ait déjà été ou qu’elle soit un jour diffusée en
français par la chaîne franco-allemande ARTE).
Je suis souvent frappé de voir
que la réalité dépasse la fiction. Et je suis souvent frappé de voir que
certains des plus heureux des hasards conservent – tout de même – une part de
miracle, pour les croyants, ou, de mystère, pour les athées. Ainsi en va-t-il
de l’identification et de la capture – providentielles – d’Adolf Eichmann, en
Argentine.
Le parcours d’Adolf Eichmann a – naturellement
et avant tout – quelque chose d’atroce, dans ses conséquences tragiques, pour
les Juifs d’Europe, dès 1933 et jusqu’en 1945. En même temps, les circonstances
de la fuite d’Adolf Eichmann, puis sa façon de nier, au tribunal, son énorme
responsabilité, ont quelque chose de pathétique.
Je me dis souvent, à moi-même,
que si des gens comme Eichmann ont pu faire une carrière politique au 20e siècle,
il y a sans doute des hommes comme lui qui font une carrière politique au 21e siècle.
Quels sont-ils ? Ou sont-ils ? Dans combien de temps et comment
seront-ils jugés par l’histoire ? Quel sort l’avenir réserve-t-il aux
dictateurs nord-coréens, soudanais, iraniens, vietnamiens ?
Revenons à Eichmann. Il vit donc
avec sa famille, en Argentine, dès le début des années 1950, sous divers noms,
y compris le nom de Ricardo Klement. A l’époque, le pays où il se cache aurait
refusé de l’extrader si la demande lui en avait été faite. Car à ce moment-là,
l’Argentine accueille deux sortes d’Allemands : des Juifs Allemands,
notamment des Juifs Allemands rescapés de la Shoah ; mais aussi des nazis
Allemands, dont Eichmann. Le hasard auquel j’ai fait allusion plus haut est
celui de la rencontre en Argentine entre une jeune fille juive allemande,
Silvia Hermann, et un jeune homme allemand, un certain Nick Klement.
Le père de Silivia s’appelle
Lothar Hermann, un Juif Allemand rescapé de la Shoah. Le père de Nick Klement s’appelle
en réalité Adolf Eichmann, alias Ricardo Klement. Il y avait sans doute une
probabilité sur un million que la fille de Lothar Hermann rencontre et tombe
amoureuse de Nick Klement, le fils d’Adolf Eichmann. Du reste, Lothar Hermann
ne tarde pas à enquêter sur ce jeune Nick Klement. Et Lothar Hermann finit par
acquérir la conviction – et c’était bien la vérité – que Nick n’est autre que
le fils d’Adolf Eichmann. Silvia doit affronter la dure réalité : elle était
tombée amoureuse du fils du bureaucrate de la Shoah, ni plus, ni moins.
Lothar Hermann, à force d’envoyer
lettres et photos, parvient à convaincre le procureur de la République Fédérale
d’Allemagne Fritz Bauer qu’Eichmann se cache en Argentine. Fritz Bauer craint
que la République Fédérale d’Allemagne n’ait ni les moyens, ni le désir, d’enlever
Eichmann en Argentine et de le juger en Allemagne. Du reste, comme mentionné
plus haut, l’Argentine aurait refusé d’extrader Eichmann. Fritz Bauer décide
alors d’informer le Mossad par l’intermédiaire d’un membre de la communauté
juive de Köln (Cologne). Le Mossad est embarrassé. Il ne dispose pas vraiment,
à l’époque, des moyens logistiques nécessaires pour enlever Eichmann en
Argentine et l’emmener en Israël.
Plus tard, la décision est prise :
le Mossad va faire ce qu’il doit faire. Dans des conditions à la fois
extrêmement difficiles et totalement rocambolesques, les agents du Mossad
parviennent finalement à s’emparer d’Eichmann en Argentine et à le livre à la
justice israélienne, au début des années 1960. Mais qui était véritablement le
nazi Adolf Eichmann ?
Après la Seconde Guerre mondiale,
Eichmann, dans le plus grand secret, accorde une longue série d’entretiens à un
certain Willem Sassen. Enregistrés sur bande magnétique, ces entretiens sont
par la suite publiés sous forme écrite. Eichmann y défend l’extermination des
Juifs d’Europe par le régime national-socialiste. Eichmann explique que l’objectif
était de purifier le sang allemand. Et que l’extermination des Juifs, pour
parvenir à cet acte purificateur, cette extermination ne l’intéresse pas, en
elle-même. Mais qu’elle l’intéresse seulement dans la mesure où elle permet d’atteindre
l’objectif fixé.
La seule chose qui l’intéresse,
dit Eichmann, c’est la nécessité selon
lui de purifier le sang allemand, de
déjudaïser et d’aryaniser le sang allemand. La logique génocidaire est
impressionnante : elle va jusqu’à différencier les « juden »,
les « halb-juden » et les « misch-juden ». Eichmann, dans
ses entretiens avec Willem Sassen, insiste sur le fait que ses éventuels
sentiments personnels, bons ou mauvais, sur la barbarie de la Shoah n’ont
strictement aucune importance, aucune valeur.
La seule chose qui l’a motivé,
raconte Adolf Eichmann à Willem Sassen, c’est que le sang allemand devait être
purifié de toute impureté et que l’impureté était juive tout simplement. Que la
Shoah en ait été la conséquence inéluctable, dit-il, ne l’intéresse pas. Surprenant,
de la part de l’homme qui a participé – au plus haut niveau – à l’organisation
logistique, de la déportation et de l’extermination, de six millions de Juifs.
Son seul regret : le travail n’a pas été accomplis jusqu’au bout ;
car en effet, selon Eichmann, il eut fallu exterminer 11 millions de Juifs
Européens pour que le national-socialisme parvienne à triompher. Ce qui n’empêchera
pas le même Eichmann de plaider, des années plus tard, lors de son procès en Israël,
qu’il était « non coupable »…
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Michel Garroté
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