vendredi 28 mai 2010

Bible, violence et monde actuel

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La Bible a une telle réputation de violence que beaucoup imaginent son Dieu infréquentable. Le récit biblique fait-il vraiment couler le sang avec complaisance tel un film d’horreur labellisé céleste ? Certains atténueront ce reproche visant surtout l’ancien testament en précisant : mais l’évangile, lui, au moins, nous présente un Dieu non-violent ! Pas si simple : paradoxalement, le premier Testament nous offre de magnifiques passages empreints du Dieu de tendresse, et le nouveau Testament recèle aussi des pages où s’affichent la violence humaine et la colère divine ; c’est le cas de l’apocalypse de Jean, censée clore la révélation judéo-chrétienne…Utilisé durant des siècles d’antijudaïsme, le cliché du Dieu des juifs violent et du Dieu bon des chrétiens ne tient pas la route.
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Si l’on trouve de la violence dans les récits des deux parties de la Bible, cela signifie avant tout que l’Ecriture Sainte n’est pas un livre religieux édifiant, aseptisé, qui nous présenterait une humanité idéale, des vérités à croire et des règles à pratiquer. La Bible n’est pas un prêt à penser ! Comme le disait Calvin avec justesse, les Ecritures sont en fait le « miroir de l’âme humaine ». C’est surtout l’histoire d’une relation vivante, celle de Dieu avec son peuple (Israël et l’Eglise), composé d’êtres humains imparfaits, appelés à se laisser transformer pour accéder au véritable amour.
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Avec le prisme déformant de la culture ambiante actuelle, une approche superficielle des Ecritures peut confronter le lecteur à un Dieu choquant. Un œil caricatural s’interroge : à peine le Créateur a-t-il lancé le monde dans l’aventure de la vie, qu’il décide de l’annuler par le déluge, à l’exception d’une famille. Quand il libère son peuple d’Egypte, il le fait au prix de la mort des premiers-nés égyptiens, et lorsque les rescapés de l’exode arrivent en Terre promise, c’est le bain de sang parmi les tribus de Canaan. Le risque d’aplatir le récit et de le déformer à l’aune de nos concepts modernes est donc grand, et on perd aussitôt le fil conducteur qui nous parle essentiellement, tout au long de la Bible, d’un Dieu de justice, de vérité et de paix, un Dieu ami des hommes, qui fait passer des ténèbres à la lumière. Le Dieu de la Pâque est aussi le Dieu des dix commandements, ancêtres des droits de l’homme.
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En ce qui concerne par exemple l’épisode de Josué entrant en Terre promise, les controverses sont fréquentes et les détracteurs de l’Israël moderne y trouvent une aubaine simpliste. Toutefois, l’honnêteté intellectuelle montre le caractère indispensable de faire le lien entre ce récit à tonalité guerrière, et les réalités historiques reconstituées par les spécialistes. Malgré la dureté expressive du texte, on sait que la constitution d’une confédération de tribus sémites s’est en réalité effectuée pacifiquement dans cette région. Les cités-forteresses jusqu’alors vassales de la puissante Egypte se sont solidarisées librement et les archéologues affirment aujourd’hui que les murailles de Jéricho ne se sont pas effondrées sous un assaut conquérant des Hébreux. La mention de processions répétées autour de la cité de Jéricho reflète plus une liturgie de prières qu’une stratégie militaire. Les murailles tombent, à la manière dont la Parole de Dieu déplace les montagnes.
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Alors pourquoi le texte s’est-il forgé une réputation aussi belliqueuse ? Sans doute en raison d’une lecture littéraliste, car au moment où ce récit combatif s’articule de cette manière, le fragile Israël tremble devant la sérieuse menace assyrienne et il s’agit, par une épopée, de redonner un moral de résistants à des populations qui se voient déjà anéanties. Mais n’oublions pas un autre chapitre du même récit, celui où les éclaireurs envoyés par Josué sont sauvés par Rahab, la prostituée étrangère qui les cache dans sa maison. Dans ce cas précis, le message se lit dans un registre plus pacifiant : pour résoudre les problèmes, on a besoin les uns des autres, au-delà des différences.
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Lorsque Paul médite sur le mystère de la crucifixion de Jésus, lui le Pharisien radical ayant renoncé à toute violence, annonce avec conviction la fin de ce cercle vicieux : « la mort a été engloutie dans la victoire » (1 Cor 15.54). La scandaleuse croix du rabbi juif Yeshua a visibilisé la supériorité de l’amour vécu jusqu’au bout… Son être et sa cause ont survécu à la tentative d’élimination. Cette résurrection concernera tous les amis de la paix par son message libérateur et créateur d’avenir. C’est là une véritable profession de foi en une humanité délivrée des engrenages mortels de la violence. L’amour étant le contraire même de la mort, il est ce qui fait vivre ; ainsi, toute agressivité mortifère est déjà potentiellement vaincue dans ses prétentions. Reste à actualiser la paix dans les situations d’aujourd’hui, que la complexité rend particulièrement ardues !
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Alain René Arbez, prêtre catholique
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Membre Fondateur de l’Alliance Judéo-chrétienne pour Israël
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http://alljci.blogspot.com/
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